Yiwu,
capitale mondiale du "Made in China"
Yiwu
ne fait pas partie des circuits touristiques classiques vendus par les
voyagistes du monde entier. Pourtant, elle est une des villes de Chine
qui attirent le plus d'étrangers: les commerçants.
Venus
des quatre coins de la planète, ils passent commande pour
remplir des containers de jouets, de vêtements, de bijoux
fantaisie, d'articles de droguerie ou d'objets décoratifs,
à des prix défiant toute concurrence.
Située
dans la province du Zhejiang (est) à un peu plus de 300 km au
sud de Shanghai et 120 km à l'intérieur des terres, la
ville est entourée de zones industrielles qui s'étendent
à perte de vue et possède plusieurs marchés de
gros spécialisés où des milliers de
représentants des usines de la région se livrent une
concurrence farouche.
Flambant
neuve, la China Commodity City compte à elle seule 27 000
étals. Un panneau situé dans une cour entre deux halls
indique que ce marché a l'ambition de devenir «le plus
grand du monde».
«Nous
écoulons 95 pour cent de notre production à
l'étranger», déclare fièrement Wu Yajing,
qui vend, comme des centaines d'autres commerçants, des
bracelets, serre-têtes ou chouchous.
«Nos
clients sont allemands, japonais, italiens, américains ou
viennent du Moyen-Orient. Tout est négociable, il n'y a pas de
prix fixe», précise la jeune femme.
Pour
Zoran Spaseski, un jeune Macédonien venu pour la
troisième fois, «l'avantage de Yiwu, c'est un assortiment
très large et la possibilité d'acheter en petites
quantités, alors qu'ailleurs en Chine, on vous oblige souvent
à remplir un conteneur avec le même produit».
«Je
monte une chaîne de magasins qui s'appelle Bazar chinois, dans
laquelle tout les articles viennent de Chine», ajoute ce
diplômé de gestion qui projette d'ouvrir en
Macédoine un centre de distribution de produits «made in
China» pour le sud des Balkans.
Conscient
des emplois perdus à cause de la concurrence chinoise, M.
Spaseski estime toutefois qu'il «vaut encore mieux que le
commerce soit entre nos mains et que ce ne soit pas les Chinois qui
vendent directement en Europe».
Certains
acheteurs à Yiwu connaissent bien l'Asie, comme Ali Jawfar, un
Libanais qui, il y a un quart de siècle, venait s'approvisionner
à Hong Kong, à Taïwan ou en Corée du Sud.
«Depuis
quatre ans, je viens six ou sept fois par an. J'achète en
priorité pour mes deux fils qui sont au Gabon. Je passe les
commandes et je fais tout envoyer là-bas.»
«Ces
articles là sont pour le Proche-Orient», ajoute-t-il
devant un stand de planches calligraphiées avec des versets du
Coran. Non loin de là, des vierges Marie, des pères
Noël et des bouddhas sont disponibles en toutes dimensions, ou
encore des figurines érotiques inspirées de bandes
dessinées (mangas) japonaises.
Un
nombre croissant de commerçants du Proche-Orient, d'Afrique et
d'Asie du Sud ont ouvert des bureaux à Yiwu.
«Pour
la Roumanie, j'achète surtout des articles bas de gamme, mais je
vais bientôt ouvrir un magasin en Suède pour lequel il me
faudra de la très bonne qualité», déclare,
un brin soucieux, un Jordanien arrivé il y a huit mois.
«Ici,
c'est formidable, il y a absolument tout ce dont j'ai besoin.
J'achète surtout des cosmétiques et des articles de
droguerie», se réjouit pour sa part un Marocain en tirant
sur un narguilé à la terrasse de l'un des restaurants
musulmans de la ville, qui ne servent pas d'alcool.
«Je
viens six à sept fois par an. À chaque fois je remplis
deux à trois conteneurs. Cela fait une commande d'environ 100000
dollars US», précise cet homme d'affaires établi
à Dubaï.
Luo
Liping, une jeune chef d'entreprise chinoise âgée de 22
ans, se souvient que «cela fait deux ans que le
développement de Yiwu s'est
accéléré».
«Grâce
aux machines modernes, je produis 1,5 million de paires de chaussettes
par an avec seulement 30 à 40 ouvriers», ajoute Luo, qui
s'est lancée dans les affaires grâce à l'argent de
son père, patron d'une entreprise de transports.
«Le
monde a beau être instable, j'ai pleinement confiance dans
l'avenir de la Chine», dit-elle.